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Mon très cher Adrien,

 

Voilà longtemps que j'aurais aimé te dire ces mots qui viennent noircir le bout de papier que tu tiens entre tes mains… Mais bien que le courage m’ait longuement manqué, tu mérites de connaître ton histoire. Étant petit, tu m’as souvent posé des questions sur tes véritables origines, mais ta petite bouille angélique me coupait toute envie de te faire naitre chez toi le moindre soupçon de tristesse ou de déception…

 

Aujourd’hui, je suis partie. Et toi, tu es certainement devenu un bel homme responsable et indépendant. Je suis très fière de la personne que tu es devenue. Et si les questions que tu te posais lorsque tu étais enfant te trottent encore dans la tête, laisse-moi t’aider à répondre à une majorité d’entre elles. Mais pour cela, il va falloir que tu suives mes indications, car tu ne comprendrais pas si je t’écrivais simplement cette histoire. Il faut la vivre. 

D’abord, j’aimerais que tu te rendes dans cette petite gare où l’on venait te chercher, ton grand-père et moi, chaque année pour passer les vacances d’été. Nous t’attendions sur les quais, et lorsque le train arrivait en gare, on s’amusait à essayer de deviner quelle porte tu emprunterais pour sortir et généralement, tu étais le premier à descendre !

 

Je me rappelle de la toute première fois où tu as pris le train seul pour nous rejoindre. Tu pleurais tellement que pour te consoler, ton grand-père a eu la bonne idée d’aller te chercher une gaufre au distributeur. C’était même devenu notre petite tradition annuelle ! 

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Je ne sais pas si ce distributeur existe encore… (Cela fait un bon moment que je ne suis moi-même pas retournée dans cette gare. Depuis que ton grand-père nous a quittés, je n’ai plus le goût de la promenade de part et d’autre de la région). En tout cas, à côté de ce vieux distributeur, il y avait tout un tas de photographies de St Marcellin collées sur le mur ; j’ai récupéré un de ces clichés car dessus, on voyait ton grand-père, Fabio, ainsi que Marcel Piyou, son ami d’enfance.

M. Piyou est-il toujours à la gare ? Il me semble qu’il n’a pas perdu ses bonnes vieilles habitudes. Un journal dans une main, un café noir à l’odeur âcre dans l’autre, et le voilà parti pour passer sa matinée à flâner sur son vieux banc. 

Comme tu le sais, M. Piyou adorait prendre en photo les passants de la gare. Il gardait toujours ses plus beaux clichés sur lui. Si il est là, va le voir pour qu’il te montre sa collection. 

La dernière fois que je l’ai vu, ce brave monsieur m’a dit que la gare était en train d’évoluer. Bon, je te parle de ça il y a une dizaine d’années… Je ne sais pas à quel point c’est le cas aujourd’hui. Qu’en penses-tu ? Elle correspond aux souvenirs que tu t’étais fait en venant chez nous ? Il me semble que j’avais des photos dans un carton… 

Lorsque tu es venu au monde ta mère n’avait que 17 ans. Elle était encore au lycée et donc sans emploi. Ton père quant à lui, l’a quitté après avoir appris sa grossesse. Je ne l’ai jamais supporté cet homme. Mais elle l’aimait, que veux-tu.. et lui l’a abandonné. Elle n’allait pas bien, nous avons essayé tant bien que mal de l’aider, financièrement comme psychologiquement, mais ta mère est une grande émotive tu sais. Alors que tu avais moins d’un an, ta mère a quitté la ville pour essayer de retrouver ton père. Elle nous a confié ta garde et n’a ensuite plus jamais donné de ses nouvelles.

Et puis, il y a eu cette période plutôt très compliquée pour nous tous. Ton grand-père venait de se faire licencier, et est tombé gravement malade. Je faisais des ménages ça et là, mais entre toutes les dépenses du quotidien, les soins médicaux, et le maigre salaire que je ramenais, il était difficile de maintenir la tête hors de l’eau. J’ai alors décidé de te confier à un couple d’amis parisiens, Christian et Annie Dumas. J’ai énormément pleuré mais c’était la bonne décision à prendre. C’était un couple qui essayait d’avoir un enfant depuis un petit moment sans y arriver et je me suis dit que cela arrangerait tout le monde. Ils avaient tant d’amour à donner et tu en avais tant à recevoir que c’était une évidence malgré le chagrin. 

Ils souhaitaient que nous conservions une relation pour que tu puisses vivre au plus proche de tes racines malgré tout. Nous avons décidé à l’unanimité que tu viendrais régulièrement nous voir. Je ne les remercierai jamais assez de m’avoir permis de te voir grandir mon chéri.

Une dizaine d’années après, un jour où tu passais des vacances à la maison justement, ta mère est venue me voir. Toi, tu dormais dans la chambre du haut, je n’ai pas voulu lui dire que tu étais là. Ça aurait été trop perturbant pour elle, pour toi, et pour moi aussi. Cela faisait des années que je ne l'avais pas revue, et la seule chose qui me raccrochais à ma fille, c’était toi. Elle m’a alors annoncé qu’elle s’était mariée, qu’elle avait repris sa vie en main depuis un bout de temps, et qu’elle avait donné naissance à la plus belle des petites filles sur terre. Elle semblait heureuse, et est revenue s’installer plus près du village où elle a grandi. 

Si tu veux en apprendre davantage, essaye de t’adresser à Emilie Pastel. Elle travaille à la gare normalement, et je pense qu’elle saura t’en dire plus à propos de cette histoire.

Voilà mon chéri, tu sais tout, ou presque. J’espère qu’Emilie et toi pourrez parler aussi librement que possible de cette histoire, ta demi-sœur a également le droit de savoir. Il ne tient qu’à toi désormais de choisir si oui ou non tu souhaites faire la rencontre de ta mère biologique. Emilie saura peut-être t’aider.. Je suis désolée que tu apprennes cela par écrit, je t’assure que j’aurais préféré te l’annoncer de vive voix, mais je n'ai jamais trouvé le courage ni les mots pour te dire la vérité. J’ai été incapable de lui pardonner entièrement ce qu’elle t’avait fait, mais peut-etre que toi tu le pourras. Prend soin de toi Adrien, je veillerai toujours sur toi. 

 

Mylène, ta mamie qui t’aime tendrement.

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